Extrait 1 de l’épisode inédit des aventures de Lazare Donatien

Retrouvez ci-dessous l’extrait promis de l’épisode inédit des aventures des aventures de Lazare Donatien :

Le Cadeau de Lazare

Chapitre 1

Une bise glacée s’engouffra dans le vestibule lorsque, par une froide soirée d’hiver, trois silhouettes franchirent le seuil de ma demeure.

Si vous m’aviez dit, il y a peu encore, que je contemplerais un jour de mes propres yeux de véritables sorcières, je ne vous aurais jamais cru. Et pourtant, moi qui avais côtoyé des spectres et m’étais retrouvé dans des situations abracadabrantesques toute ma vie, en cet instant précis, je ne trouvais pas les mots. Moi, Lazare Donatien, Drockhead à qui l’éloquence n’avait jamais fait défaut, bien au contraire, quel étonnant constat je venais de faire là !  

De réelles enchanteresses, d’une très ancienne lignée qui plus est, se tenaient aujourd’hui devant moi. Si, à ces mots, c’était l’imagerie populaire véhiculée par les contes qui vous venait à l’esprit, alors je ne saurais trop vous recommander de vite revoir votre copie. Diantre, ces femmes-là, loin des caricatures de nez crochus et autres hideuses verrues, étaient éblouissantes d’assurance et de beauté. Elles me firent un tel effet que je ne pus m’empêcher de laisser s’égarer mes pensées : ces jeunes femmes tenaient beaucoup plus des déesses que des magiciennes de légende ! Je fis un effort pour retrouver mes esprits en même temps que ma courtoisie et les priai d’entrer dans mon humble demeure.  

Les trois demoiselles, bien que vêtues avec goût et simplicité, se mouvaient avec une élégance envoûtante, presque surnaturelle. Elles irradiaient une telle aura que, d’instinct, je sus que j’avais eu raison. Foi de Lazare, si ces femmes extraordinaires ne pouvaient résoudre le problème pour lequel je les avais contactées, personne ne le pourrait !  

Pour une fois, Zeph, my valet, n’avait pas rechigné à m’aider. Il faut dire que l’enjeu le touchait de près. Son zèle, presque comique, avait transformé la salle à manger en un festin digne d’un réveillon princier. Les effluves de chapon rôti et de vin épicé flottaient dans l’air, tandis que les chandelles faisaient danser des ombres sur les murs ornés de guirlandes. Et quoi, Noël, après tout, ne vient-il pas qu’une fois l’an ?  

Nous venions de savourer les entrées, attaquant le plat principal, lorsque je décidai d’aborder la raison de leur présence en ces lieux ce soir, et entrai enfin dans le vif du sujet.

– Mes très chères demoiselles, comme nous en avons discuté par téléphone, vous savez que je vous ai fait venir pour m’aider à résoudre un problème vieux de plusieurs années.

– C’est juste, répondit la jeune femme blonde en face de moi, attendant sereinement la suite.

D’après ce que j’avais compris, Sorah était l’aînée des trois sœurs Armaciès que j’avais invitées. Et ce n’était rien de le dire, mais je peux vous assurer que l’incroyable présence de cette jeune femme, mêlant force et délicatesse, avait de quoi en imposer.

– Vous êtes resté plutôt vague sur vos raisons, reprit-elle avec calme, et puisque nous sommes là, il est normal que nous attendions plus de détails de votre part.

– Tout à fait, pardonnez-moi d’avoir été un peu vague lors de cet appel. Je vous remercie d’être venues malgré cela.

Pfiou, je me sentais nerveux comme un collégien, à des années-lumière de mon habituelle assurance et inconfortable au possible. Il fallait que je remédie à ça, et vite !

– Étant donné la nature véritable de nos « métiers » respectifs, Lazare, je peux vous assurer que nous comprenons votre discrétion, me rassura Sorah.

– Et je vous remercie pour cela aussi, repris-je, retrouvant soudain ma contenance. Comme vous le savez, je travaille avec spectres et revenants, toutes catégories confondues, et je n’ai d’ordinaire pas besoin d’aide. Cependant, le cas de mon valet est différent. C’est le seul esprit vagabond qui ait jamais croisé ma route.

– Votre ami est donc un esprit vagabond… Les trois sœurs échangèrent un regard. Hénora, la brune, tapota la table du bout des doigts, tandis que Miríel, flamboyante rouquine, jouait avec une mèche de cheveux.

– Je suppose que je n’ai pas besoin de vous expliquer la particularité de son cas ? repris-je après un court silence.

– Hum, un esprit vagabond, répéta Sorah. Nous pouvons en effet percevoir son essence et connaissons sa particularité, même sans le voir. Vous voulez lui offrir un nouveau corps, n’est-ce pas ?

– Précisément, acquiesçai-je. Est-ce là une requête réalisable ? Les trois jeunes femmes échangèrent un nouveau regard.

– Un corps pour un esprit ? Ambitieux, même pour vous, Lazare. Mais, si certaines conditions sont réunies, c’est jouable, répondit Miríel, une lueur malicieuse dans les yeux.

– Je vous écoute, de quelles conditions parlons-nous ? répondis-je, croisant mes doigts devant moi.

– Nous devons connaître votre histoire, celle de Zeph, et votre passé commun. Chaque détail compte, répondit Sorah.

– De fait, plus vous nous en direz, mieux nous pourrons agir, ajouta Hénora de sa voix chaude, d’où perçait un caractère ferme et sans équivoque.

– Autant de détails que possible, donc ? Très bien. Laissez-moi rassembler un instant mes souvenirs, répondis-je en fermant les yeux, sentant par-delà mon épaule le souffle anxieux de Zeph.

Le grand stress que je sentais émaner de mon fidèle et acariâtre valet renforça ma détermination tandis que j’aiguisais ma mémoire.