Extrait 4 de l’épisode inédit des aventures de Lazare Donatien

Retrouvez ci-dessous l’extrait promis de l’épisode inédit des aventures des aventures de Lazare Donatien :

Le Cadeau de Lazare

Chapitre 4

Lorsque je retournai au Manoir ce soir-là, je pris soin d’emporter le coffret avec moi. Le notaire m’avait prévenu que l’électricité avait été rétablie plus tôt dans l’après-midi. Je m’occupai de vérifier cela dès mon arrivée et eus l’agréable surprise de constater que tel était le cas.

N’ayant pas mangé grand-chose de la journée, j’entrepris de me préparer un casse-croûte conséquent, ayant pris soin d’être d’abord passé par la supérette que j’avais repérée à mon arrivée la veille.

Une fois sustenté, je m’installai à même le sol, en tailleur, sur un drap que j’avais déployé au beau milieu de ce qui avait dû être une bibliothèque rutilante et dont les ouvrages reposaient à présent sous plusieurs centimètres de poussière.

Je sortis le coffret « habité » de mon sac à dos et le posai à quelques centimètres devant moi. Sentant les frissons de l’anticipation me recouvrir les avant-bras, je lui donnai quelques petits coups légers de la pointe du doigt.

– Qui que vous soyez, montrez-vous et discutons un peu, voulez-vous ? demandai-je avec calme à l’antiquité en face de moi. Je n’attendis pas bien longtemps avant de voir le coffret s’entrouvrir. Une volute bleuâtre s’en échappa pour se matérialiser bientôt en une silhouette aux traits distincts devant moi.

– Vous pouvez me voir et m’entendre ? s’enquit le pauvre diable avec cette expression que j’avais déjà vue tant de fois sur le visage blafard des revenants. Cela dit, celui-là était un peu particulier. Je dois avouer que des comme lui, je n’en avais croisé que rarement.

– Je peux vous voir et vous entendre sans aucun problème, mon ami, répondis-je avec courtoisie. L’expression de mon hôte surprise s’illumina d’un coup.

– Grands Dieux, j’avais perdu tout espoir de trouver un jour quelqu’un comme vous, monseigneur !

– Euh, monseigneur, vous y allez peut-être un peu fort là. Je m’appelle Lazare, Lazare Donatien. Quel est votre nom ?

– Pardonnez-moi cette introduction tardive, mon… euh… monsieur Lazare. L’on me nomme Zephirii Zephiro ! clama l’esprit avec fierté en bombant son torse translucide.

– Très bien, Zephirii Zephiro, et si vous me racontiez un peu votre histoire en commençant par comment et pourquoi vous vous êtes retrouvé lié à ce coffret, voulez-vous ? Nous verrons ensuite ce que je peux faire pour vous, marché conclu ?

– Bien volontiers, monsieur Lazare, répondit l’esprit, tout sourire.

Je soupirai ; « monsieur Lazare » ne me plaisait pas beaucoup plus, mais c’était déjà mieux que « monseigneur ».

– J’étais le valet de Monseigneur Ferdinand, duc de Mantoue et de Montferrat.

– Oh ? Du beau monde, je vois, commentai-je simplement. Continuez.

– Une nuit, alors que je faisais mon tour habituel pour vérifier que toutes les entrées du château étaient fermées, je surpris une conversation entre deux invités du duc. Les traits du valet se durcirent. Deux gibiers de potence qui échangeaient à voix basse dans l’un des salons du château. Je compris qu’ils projetaient d’assassiner le duc et, dans ma panique, je trébuchai sur un coin de table en voulant m’enfuir pour prévenir mon maître. Pour mon malheur, je suis valet, pas chevalier ; ce faux pas donna l’alerte et les deux hommes ne tardèrent pas à me maîtriser. Je fus ficelé, bâillonné et enfermé dans une vieille mansarde abandonnée dans le parc du château. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, je me souviens juste que le sommeil m’a terrassé après avoir tenu deux lunes sans boire, ni manger, ni dormir. Puis, sans que je sache vraiment comment, je passai de vie à trépas. L’idée de ces deux fripouilles est évidente et…

– Un instant, mon ami. Juste pour vérifier que nous sommes sur la même longueur d’onde, croyez-vous que vous soyez un fantôme ?

– En vérité, j’en suis certain, monsieur Lazare, que pourrais-je être d’autre ? Je n’ai plus de corps, mais je continue pourtant à errer dans le monde des vivants depuis des siècles sans que personne, jamais, ne se soit aperçu de ma présence ! Comment appelez-vous cela, si je ne suis pas un fantôme ?

– Oui, oui, je comprends, tentai-je d’apaiser le valet, les deux mains tendues. Dites-moi, quand êtes-vous « mort » ?

– En 1618, monsieur.

– Eh bien, sifflai-je tout bas, on peut dire que ça fait un moment que vous errez ! Malheureusement, cela veut aussi dire que votre corps est redevenu poussière depuis un sacré bout de temps. Impossible de vous le faire réintégrer dans ces conditions.

– J’ai peur de ne pas comprendre tout ce que vous dites, monsieur Lazare, fit le pseudo-spectre, la moue dubitative.

– C’est normal, je vais tâcher d’être plus clair. Vous n’êtes pas un fantôme, mais plutôt ce que l’on appelle un esprit vagabond. Il existe plusieurs entités qui errent sur cette terre, voyez-vous, et, si je ne les vois pas toutes, celles qui ont jadis été humaines, je les vois et les reconnais parfaitement. Cela fait partie de mon don.

– Qu’êtes-vous donc ?

– Je suis un Drockhead.

– Qu’est-ce que cela ? renchérit Zephirii Zephiro en haussant les sourcils.

– Mettons, pour faire simple, que c’est une personne qui, comme moi, possède le don de communiquer avec les morts et autres entités qui furent un jour humaines.

– Vous êtes donc un sorcier, si je comprends bien.

– Euh, non plus, non, mais bon, laissons cela pour le moment, ce n’est pas important. Ce qui l’est, en revanche, c’est que nous devons trouver comment vous délivrer de cette errance éternelle. Dans votre cas, vous n’étiez pas mort lorsque votre corps et votre âme se sont séparés, mais juste endormi. Si vous aviez pu réintégrer votre corps avant votre assassinat, vous vous seriez réveillé et auriez continué votre vie.

– Une telle solution existe ?

– Elle existe forcément. Je gage qu’il y aurait plus d’esprits vagabonds en liberté sans cela. Et si je ne la connais pas pour le moment, je peux vous assurer que nous la trouverons. Pour commencer, il est important que nous sachions de quelle façon votre âme et votre corps ont été séparés à l’origine. Êtes-vous sûr de ne pas vous souvenir de davantage de détails ?

– J’ai bien peur que non, malheureusement. Tout ce dont je me souviens, c’est de m’être endormi une dernière fois pour ne plus jamais me réveiller dans mon propre corps.

– Mais vous avez sûrement pu voir ce que vos ennemis vous ont fait, une fois expulsé de votre corps. Vous n’êtes pas resté pour essayer de prévenir votre maître de ce qui se tramait ?

– Je ne savais pas où j’étais lorsque je repris conscience. Je me retrouvai dans une lande désertique et j’appris plus tard, à force d’errance, qu’il s’agissait d’une steppe. J’étais bien loin de chez moi et on ne peut plus désorienté. Lorsque je pus enfin revenir au château ducal, j’appris que plusieurs années s’étaient écoulées et que Monseigneur Ferdinand était déjà mort. Je retournai à la mansarde du parc, mais mon corps ne s’y trouvait plus ; mes ossements eux-mêmes étaient introuvables.

– D’accord, répondis-je, avant de me replonger dans mes pensées.

Le corps de ce pauvre homme avait dû être enterré quelque part sans plus de cérémonie lorsque ceux qui l’avaient enfermé là l’avaient trucidé. Je n’avais toutefois pas le courage d’énoncer ce fait à l’esprit, déjà bien bouleversé, qui se tenait en face de moi.

– Je comprends… À propos, vous ne m’avez toujours pas dit comment et pourquoi vous vous êtes retrouvé lié au coffret.

– C’est juste, pardonnez-moi. Ce coffret me fut offert par Monseigneur Ferdinand pour mes vingt ans de service au sein de la famille ducale de Montferrat. J’avais également servi son père et son frère avant lui, vous savez. Il contenait une récompense de cinq cents florins. Après de longs siècles d’errance sur tous les continents, j’ai un jour senti une présence familière non loin de moi. Après des jours de recherches, je compris que j’avais enfin trouvé la raison de ce sentiment : j’avais retrouvé le coffret que Monseigneur m’avait offert. J’avais erré si longtemps que je décidai de m’installer auprès de cette présence réconfortante qui me rappelait tant de souvenirs.

– Hum… Bien, déclarai-je en me levant. Et si nous commencions par voir ce que nous pouvons faire pour vous, mon ami ? Cette maison est remplie de livres et de parchemins antiques. Peut-être y trouverons-nous quelque chose d’intéressant, qu’en dites-vous ?

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