Extrait 5 de l’épisode inédit des aventures de Lazare Donatien
Retrouvez ci-dessous l’extrait promis de l’épisode inédit des aventures des aventures de Lazare Donatien :
Le Cadeau de Lazare
Chapitre 5
Je retournai au Passage, la boutique de mon défunt cousin, le lendemain matin, après avoir passé une nuit plutôt courte, je dois bien l’avouer.
Cependant, si j’avais bien cerné le personnage, il y avait fort à parier que M. Roussel se présenterait à la première heure ce matin. Je ne pourrais donc pas me permettre de retard aujourd’hui.
De fait, je n’avais pas plus tôt levé le rideau métallique de mon commerce que le peu amène personnage parut. Je réprimai le soupir qui me montait aux lèvres. Était-ce trop demander que de ne pas avoir toujours raison ?
Optant pour l’adage « faire contre mauvaise fortune bon cœur », je sortis le coffret qu’il m’avait confié la veille de sa boîte délabrée pour le poser sur le comptoir.
– Avez-vous pu faire quelque chose pour la serrure ? demanda mon client de but en blanc, passant une nouvelle fois outre les politesses d’usage.
Si ce monsieur voulait continuer à jouer les rustres, j’avais, à mon tour, les moyens de lui faire comprendre qu’il avait mal choisi sa cible.
– Le coffret est comme neuf, vérifiez par vous-même, répondis-je sans aménité, le regard sévère.
Un instant désarçonné par ma réaction, l’homme se reprit bien vite et actionna la serrure avant de soulever le couvercle avec une facilité qui sembla le déconcerter. J’avais remarqué de nombreuses traces sur la petite serrure, et je n’avais aucun doute sur le fait qu’il ait essayé de l’ouvrir à plusieurs reprises.
Bien entendu, dès l’instant où Zephirii Zephiro s’était décidé à sortir, la serrure s’était dégrippée d’elle-même. Je doute, toutefois, qu’apprendre ce détail aurait plu au sieur Roussel. J’eus le plaisir, que je sus garder discret, professionnalisme oblige, de voir sa face déconfite avant qu’il ne refermât la cassette en silence. De trésor attendu, il n’y avait point ; de quoi être désappointé, c’est certain.
– Vous achetez les antiquités, je présume ? questionna-t-il en essayant de masquer, tant bien que mal, sa déception.
– Tout à fait, repris-je du tac au tac.
– Vous avez eu tout le loisir d’examiner cet objet et vous avez dû en déterminer la valeur à l’heure qu’il est, n’est-ce pas ? À quel prix achèteriez-vous cette antiquité ?
Il semblait pressé de s’en débarrasser et, vu qu’il n’avait eu aucun état d’âme à abîmer un si joli travail, je n’avais pas envie de me montrer plus magnanime que le roi.
– Eh bien, pour une pièce en noyer et cuivre datant de l’époque de Louis XIII comme celle-ci, je serais prêt à vous en offrir onze mille cinq cents francs. L’homme prit un instant pour réfléchir.
– Douze mille francs, et je vous la cède. Je secouai la tête.
– Onze mille sept cents francs, et c’est ma dernière offre, monsieur Roussel.
– Entendu, conclut-il sans plus d’hésitation. Pouvons-nous valider cette transaction dès maintenant ?
Je pris un formulaire dans l’un des tiroirs du vénérable et imposant meuble d’apothicaire chinois derrière moi et le posai sur le comptoir.
Heureusement que j’avais commencé par explorer celui-ci en entamant le rangement du commerce. Qui aurait cru que j’allais devoir conclure une acquisition aussi vite ?
Dès que j’eus terminé de remplir ma partie, je fis compléter les quelques lignes restantes par le vendeur, lui payai la somme convenue et le laissai repartir comme il était venu.
– Vous voilà de nouveau propriétaire de votre bien, déclarai-je en m’adressant à l’air ambiant, tout en voyant aussitôt se matérialiser devant moi la silhouette de l’esprit vagabond qui ne m’avait pas lâché d’une semelle depuis la veille.
– Je ne sais comment vous remercier, monsieur Lazare.
– Mettons cela sur le compte de la chance que j’ai eue de croiser, au moins une fois dans ma vie, un esprit vagabond, répondis-je en haussant les épaules.
– Sommes-nous donc si rares ?
– Oh, ça oui, répliquai-je en riant, à tel point que, malgré le don qui est le mien et le nombre de revenants que j’ai côtoyés, je n’en avais encore jamais rencontré.
– Avez-vous beaucoup voyagé ?
– Ah... j’ai parcouru le monde entier. J’en ai fait la plus grande partie en accompagnant mes parents... et le reste seul.
– Vos parents se sont établis dans un autre pays ?
– ... Ils sont morts, pris dans un tir croisé lors de l’insurrection au Jammu-et-Cachemire en 1989.
– Je suis désolé, je vous présente mes sincères condoléances pour votre perte, monsieur.
– Ça fait presque dix ans maintenant... mais merci, mon ami. Ces souvenirs poignants mis à part, maintenant que vous avez récupéré votre bien, ne devrions-nous pas nous atteler à la suite du programme, qu’en dites-vous ?
Mes pensées dérivèrent vers la bibliothèque du Manoir, où tant de réponses restaient en suspens, tandis que je sentais le frisson d’un chasseur d’énigmes glisser sur mon échine.